Déjouer les mécanismes du sexisme ordinaire

Revenons aux bases des termes souvent utilisés mais peu maîtrisés : DEI, intersectionnalité, écriture inclusive, quota… voici une liste d’outils, complémentaires, non exhaustive, à utiliser dans des politiques globales de déconstruction du sexisme ordinaire.

L’objectif de cet article n’est aucunement de pointer du doigt des individus, mais bien de prendre de la hauteur grâce à des travaux de recherche sociologiques que nous essayons au mieux de vulgariser ! Comprendre les rouages est la première étape vers une société plus équitable.

1. La Diversité, l’Équité et l’Inclusion (DEI)

La Diversité, l’Équité et l’Inclusion (DEI) sont utilisées pour décrire trois valeurs que de nombreuses organisations cherchent aujourd’hui à incarner pour répondre aux besoins des personnes de tous horizons.

La diversité, sous l’angle de l’origine, de l’ethnicité, de la capacité, du genre, de l’orientation sexuelle, de la neurodiversité, et au-delà, peut contribuer à renforcer les organisations, comme l’ont montré à maintes reprises des études :

Une rentabilité et une productivité supérieures de 62,6 %.
Une aptitude plus élevée à attirer et retenir les talents de 59,7 %. Un excellent point pour votre marque employeur.
Un surplus de créativité, d’innovation et d’ouverture d’esprit de 59,1 %.
Une réputation plus importante pour l’entreprise de 57,8 %.
Une plus grande capacité à mesurer l’intérêt et la demande des consommateurs de 37,9 %. (sources)

2. L’intersectionnalité

L’intersectionnalité est une notion employée en sociologie, qui désigne la situation de personnes subissant simultanément plusieurs formes de stratification, domination ou de discrimination dans une société.

Classe, statut, age, sexualité, la liste est infinie : être dans une démarche intersectionnelle c’est être ouvert·e au fait que de nouvelles questions puissent apparaitre et qu’on puisse mettre en lumière d’autres formes de rapports de pouvoir, porter le regard sur l’intrication et le type de domination particulière que subissent les personnes qui sont au croisement.

L’intersectionnalité exige la prise en compte de la manière dont de multiples facteurs qui se chevauchent façonnent les opportunités et les résultats sociaux, sanitaires et économiques des personnes, ainsi que les obstacles à l’accès aux programmes ou aux services. Cela demande d’examiner :

qui est touché·e par un problème;
comment ces expériences et résultats diffèrent entre et au sein de ces groupes;
pourquoi cela aidera à identifier les inégalités
comprendre quels éléments contribuent le plus à la discrimination.

3. L’écriture inclusive

L’écriture dite inclusive est une forme d’écriture neutre, non sexiste qui a pour objectif premier d’établir la parité femme/homme dans la langue française.

Nous avons toutes et tous appris, lors de nos cours de grammaire à l’école, que le masculin l’emporte sur le féminin. Or, ce ne fut pas toujours le cas, et surtout l’utilisation du masculin générique induit un biais de représentativité vers le masculin.

On dénonce parfois la dimension politique de la féminisation, qui « dénaturerait » la langue. Pourtant, la masculinisation des textes fut, elle aussi, un projet politique à une époque où plusieurs formes féminines étaient couramment utilisées (comme peintresse ou philosophesse), et où l’accord de l’adjectif et du verbe se faisait avec le nom ou le sujet pertinent le plus proche, qu’il soit féminin ou masculin.

C’est avec la création de l’Académie française, au 17e siècle, que sera instaurée la règle du masculin générique, puisque, selon les académiciens, « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin, à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ».

Concernant les formes variées d’écriture inclusive, Léo Varnet, chargé de recherche au CNRS au Laboratoire des Systèmes Perceptifs de l’ENS de Paris, explique :

« On distingue plusieurs grandes stratégies. Il y a la neutralisation qui inclut les termes épicènes, par exemple : les instrumentistes. Il n’y a pas de marque qui indique le genre, est-ce que ce sont des instrumentistes hommes ou des instrumentistes femmes. Et d’autre part, on a une autre stratégie d’écriture inclusive qui est la re-féminisation, qui peut prendre une forme double, comme les musiciens et les musiciennes, ou une forme à l’écrit avec un point médian qui est bien connu. Dans ce cas-là, ce seraient les musicien·ne·s. »

4. Les quotas

La plupart des quotas visent à accroître la représentation des femmes, pour pallier la surreprésentation des hommes aux postes de pouvoir et de prise de décisions, à tous les niveaux.

Il existe des seuils symboliques, entre 30 et 40%, au-delà desquels les choses changent. Quand elles sont plus de 40%, les femmes échangent davantage. On va vers plus de transparence, sur les primes ou les salaires, par exemple.

Ceci est essentiel pour garantir que les femmes aient les mêmes droits et opportunités de participer, être représentées et contribuer au fonctionnement du développement et de la construction de la démocratie.

Sans politiques volontaristes, rien ne changera. La loi et la sanction, ça marche.
Nathalie Lapeyre est sociologue, Professeure des Universités à l’Université de Toulouse 2, et co-directrice du réseau de recherches interdisciplinaire et international MAGE (Marché du Travail et Genre)

Les quotas ne sont pas la solution pour l’égalité, mais ils en sont un outil : un outil dont il ne faut pas nécessairement attendre plus que ce qu’il permet plus ou moins mécaniquement (augmentation de la proportion des femmes), mais dont les effets symboliques sont forts.

Attention cependant à doubler les politiques de quotas à des obligations de moyens (flexibilité de travail, coaching, etc) pour ne pas créer d’effets rebonds déjà analysés dans certaines situations. Les femmes qui ont atteint des positions de pouvoir peuvent en effet subir une charge mentale liée à la conciliation travail/famille plus forte que leurs collègues masculins. Elles bénéficient moins souvent qu’eux d’un soutien conjugal à leur carrière et peuvent être victimes de comportements sexistes et se heurter à un plafond de verre dans l’accès aux positions les plus prestigieuses. Raison pour laquelle les quotas seuls ne suffisent pas !